Mohamad Omran
Mohamad OMRAN (Syrie, 1979)
Par Véronique Bouruet-Aubertot *
Né en 1979 à Damas en Syrie, Mohamad Omran est diplômé de la Faculté des Beaux-Arts de Damas, section sculpture en 2002. Il commence une carrière de sculpteur et son travail, immédiatement remarqué sur la scène artistique locale, s’accompagne déjà d’une abondante œuvre dessinée. A 26 ans à peine, il commence à enseigner aux Beaux-arts dans le département sculpture. Deux ans plus tard, en 2007, il décide de poursuivre des études d’histoire de l’art en France. Il soutient en 2009 un mémoire de master 2 à l’Université Lumière Lyon 2 sur Maher Al Baroudi, artiste syrien entre deux cultures, installé en France. Mohamad Omran démarre un projet de thèse sur l’image du corps souffrant, tout en publiant régulièrement des textes critiques pour différents journaux du monde arabe (Al-Araby Al-Jadid, Le Journal- Fondation Atassi). Il vit aujourd’hui à Ivry-sur-Seine.
Centrée dès le départ sur le corps humain et ses déformations expressives, son œuvre sculptée et dessinée dénonce de manière explicite despotes, violences et abus de pouvoir. Des hommes inquiétants, le visage occulté par des lunettes noires, masques à gaz ou autres prothèses, sont assis sur des chaises. Police secrète, hommes de pouvoir… Leur immobilisme glaçant est décuplé lorsqu’ils sont alignés en tribunal. De petite taille, ces figurines, modelées en terre ou en bronze, réapparaissent sur le papier, enfermées dans leur solitude, même si leurs corps s’enchevêtrent. Démultipliés sur toute la feuille, les personnages saturent l’espace du papier sans hiérarchie ni perspective, n’offrant nulle échappée. La rigueur graphique d’un noir et blanc tranché domine, même si l’artiste utilise parfois des encres de couleur. Obsessionnelles et oppressantes comme des cauchemars, ces scènes voient l’apparition de créatures hybrides, mi-humain, mi-animal ou mi-machine, évoquant l’univers surréaliste et cruel d’un Jérôme Bosch ou d’un Goya.
Exposé régulièrement en France, en Europe et au Moyen-Orient, Mohamad Omran voit ses dessins publiés dans la presse, française notamment (Le Monde, Courrier International). Il est aussi l’auteur d’œuvres vidéo en collaboration avec d’autres artistes, comme Sans ciel, réalisée en 2015 avec Bissane Al-Charif où l’on voit une maquette de ville progressivement réduite en cendres.
Omniprésent dans son œuvre depuis 2005, le thème de l’assemblée et de la foule reste aujourd’hui au cœur de son travail de sculpteur et de dessinateur. Il vient de faire l’objet d’une publication, Assemblage, Dark Nights Onto Rolling Waves, avec un texte d’Odai Al Zoubi (2019).
Ses œuvres font partie de nombreuses collections privées et publiques, notamment le British Museum, le musée de l’Institut du monde arabe à Paris (Donation Claude & France Lemand), la Jordan Royal Gallery of Arts à Amman, le Ministère de la culture en Syrie et la Fondation Atassi à Dubaï.
* Historienne de l’art, Véronique Bouruet-Aubertot travaille comme rédactrice en chef de rubrique, chargée de l’art contemporain, à Beaux-Arts Magazine jusqu’en 2005. Elle reprend alors un cursus de recherche à l’EHESS sur l’art sous les dictatures en Amérique du Sud, approfondissant son travail sur art et politique. Elle intervient comme commissaire d’exposition lors de la Saison du Brésil en France, puis dans différents contextes, s’intéressant à de nouvelles formes de restitution et de dialogue culturel. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages aux éditions Autrement et Flammarion.