Nadia Saikali
Nadia Saikali, NADIA.
Je suis née au sein d’une famille multiculturelle au Liban. Beyrouth ma ville natale se situe au carrefour des rivages de trois continents : l’Europe, le Proche-Orient, l’Afrique. Trilingue, je ne suis pas seulement Méditerranéenne, mais également Européenne et Atlantique par le biais de mes deux fils Alan et Christopher Thomas, fruits de mon premier mariage avec leur père gallois, ingénieur en géophysique, qui repose en paix à Chypre.
Franco-libanaise, mon espace culturel englobe tous les pays francophones, aussi bien que les pays arabophones ou encore les communautés et pays anglophones.
Je me passionnée très tôt pour la nature, la Géologie et la Géographie. L’Astrophysique me fascine ainsi que l’évolution du genre humain. Je découvre sur place, ainsi que par l’Histoire de l’Art : L’Antiquité, l’Archéologie, la Mythologie et toute cette poésie humaine véhiculée par leur intermédiaire.
En 1979, durant la guerre au Liban, déménagement au "Bateau Lavoir" de Paris, avec mon second époux Henri Gaboriaud, architecte d’intérieur. Un véritable renouveau de vie affective et de recherche picturale, à partir des empreintes de mes deux mains. Série de dessins et peintures à l’huile se développant sur plusieurs périodes : "Géodermies" (géologie-épiderme-terre), "Archéodermies" (espaces archéologiques), "Empreintes éclatées" (polychromies-chute du mur de Berlin).
En 2000, "Espaces Intemporels" en faveur de la Paix. Nombreux sont ceux qui théorisent et politisent au sujet du choix de couleurs en peinture. Ce n’est nullement mon propos. Après avoir abordé brièvement le thème des quatre éléments de la Génèse, Terre-Feu-Eau-Air, je souhaite exprimer librement le bonheur de vivre la Paix retrouvée.
Je crois en les aspects positifs de la Science qui ne s’opposent nullement aux aspects spirituels et intuitifs du genre humain. Je porte toute mon attention sur les réalisations positives de l’humanité, sachant que tout est relatif dans la vie, que la mort est une certitude, que la sagesse humaine n’a pas fait ses preuves et qu’à présent il est temps de réaliser la Paix pour le Bien du Genre Humain.
Jean-Jacques l’Evêque, Nadia Saikali.
Le soit-disant déterminisme des lieux, son action directe sur la vie, et le travail de ceux qui s’y accrochent, ce n’est pas toujours vrai. Habiter "le Bateau Lavoir" et peindre comme le fait Saïkali, par exemple, c’est déjà un défi, c’est même bien autre chose. A commencer par une totale distance prise avec l’Histoire de l’art qui a façonné là l’un de ses "pièges à gogo", aprés y avoir situé quelques unes de ses pages les plus flamboyantes.
Se référer à ceux qui ici, à force de misère, se "trouvèrent", c’est prendre une assurance sur la réputation, mais généralement s’enliser dans l’art de pure fonction commerciale.
En éviter les fantômes, c’est prouver qu’on a su dresser les siens. Trouver ses propres forces plutôt que de puiser dans celles des autres. Et les imiter. Ainsi en est-il de Saïkali. D’où la virginité de son propos. Et, sans doute son attrait.
Elle ne va pas en escaladant l’échelle de plongée sous marine que nous ont tendu la psychanalyse, et la peinture moderne, qui est souvent une manière de "se dire", plus qu’une manière de créer un monde lisible pour tous, où tous se reconnaissent, faisant de l’art un espace elitiste. Et formidablement codé.
La peinture de Saïkali n’est de nulle part, de nul temps. Parcequ’elle se veut universelle, qu’elle est de tous les temps. Ambitieuse. Et d’autant plus qu’elle se lance à l’affût du grand langage de l’univers et du temps. Hors de l’instantanéité : elle nait de la main. Elle est le relais de la main : cette marque première sur la paroi des grottes de la préhistoire, début d’une affirmation de l’homme. D’une prise d’identité. Dans l’ombre de la conscience, les balbutiements de la vie, d’un ordre, ce geste inaugurait toute la création à venir.
Le début de l’homme, c’est cette empreinte de main-miroir. Un pont jeté aussi, vers le monde car le marquer c’est aussi le posséder. Saïkali n’est pas éloignée de cette soif instinctive. Encore que la possession ne soit pas chez elle un mobile suffisant. Unique. Son acte serait plutôt celui de l’assimilation, ou une lecture rêveuse du monde, dans une globalité généreuse. La main est un symbole avant d’être un instrument. D’elle nait le monde, elle est le monde. Un jeu de lignes qui se suivent, cheminent de concert, avant de diverger, comme les ruisselets venus d’une unique source. C’est la main-paysage. D’elle naitront d’autres espaces, une géographie qui se refère aussi à la mer, aux champs magnétiques : expressions de forces mystérieuses, universelles.
S’y forme une idée de forces tranquilles, irrévocables, oblitérant l’espace de leur croissance. Occupation de l’espace (n’est-ce pas le propre du dessin !) et pénétration de la matière sont bientôt les deux modes de perception, d’expression, dont elle use avec une égale efficacité. Car, pour elle, la peinture n’a pas de vocation descriptive, mais doit retrouver la matière même dont elle est comme l’émanation, la sécrétion du temps. A sa mesure.
Lentement façonné par l’usure, les sédimentations successives, une imprégnation d’apports successifs, accidentels, et dont l’ordre se fait tout naturellement. D’où sa passion pour les vieux grimoires. Qu’importe alors les messages qu’ils contiennent puisque c’est à leur illisibilité qu’ils trouvent cette dimension qui fait leur attrait, leur confère cette beauté qui se porte bien à condition d’être sous le signe de la lenteur, l’expression spécifique de cette lenteur, et de l’harmonie qui en nait.
Refaire cette beauté, l’imiter, c’est la part de génie, qu’un autre mettra dans le réalisme, l’effet fantastique, la ressemblance. Encore qu’il s’agisse là d’une certaine ressemblance : celle des matières elles-mêmes. Rêveuse de leur passé, graves de leur richesse, sobres cependant. Car nul éclat ne viendra jamais ici fausser le parti pris qui est celui que recommandait Gaston Bachelard, à l’esprit duquel on peut bien rattacher cette oeuvre. Sans nul doute il y aurait trouvé un fructueux terrain d’investigation. La matière donc, pour ce qu’elle est. Un terrain en attente. Une matière ouverte. Vivante. L’Histoire s’y est fondue. D’où le passage d’une simple évocation paysagée, abstractisée à cette "archeodermie" dont le barbarisme fait cependant image. Telles ces terres que l’on fouille pour y découvrir notre passé, notre connaissance, une oeuvre de Saïkali se lit aussi pour ce qu’elle cache. En particulier la Lumière. On la voit sourde derrière la couleur, comme écrasée, prisonière prête à éclater.
Une force mais aussi une ferveur, qui ne fait pas la belle, ne s’exibe pas avec arrogance, mais poursuit son action,que l’on devine ardente, dans les coulisses de la toile, dans ses fonds, à ses racines.
C’est l’ombre que l’on voit, qui apparait au premier plan, comme la croûte terrestre recouvre le feu intérieur où l’imagination populaire place une énergie maléfique : l’enfer. Mais chez Saïkali cette lumière occultée n’est pas celle du désordre. Elle l’a nourrie de toute les ferveurs.
Pour savoir s’égarer dans le somnanbulisme gestuel, érigé en principe dans la pratique de l’art contemporain, Saïkali n’en perd pas pour autant la maitrise de ce qui fait l’essentiel de son sujet : une matériologie toute de tendresse, de réflexion, et l’ordre nait de la lenteur qui aura présidé à la mise en place des couches, textures, d’une sorte d’épiderme pictural.
Approche réflexive qui situe sa démarche dans les périphéries de l’art oriental, et de sa tradition. De toile en toile un territoire s’impose. A nul autre semblable, à lui-même fidèle. Dans la logique de sa pratique, de ses aspects, où l’effet du graphisme s’est fondu dans la matière, comme la calligraphie dans la couleur.
Si bien qu’au terme d’un voyage pictural qui se place sous le signe de la musique, c’est une matériologie murmurante qui nous est offerte. A la ressemblance des sols qui sont le terrain de traces, de passages, le miroir du temps.
Joseph Tarrab, Enigme de l’Espace - Mystère du Temps.
Parmi les vétérans chevronnés de la peinture libanaise, Nadia Saïkali se distingue trés tôt en captant, plus radicalement que d’autres l’esprit de son époque. Elle se lance dans de multiples innovations, y compris l’art cinétique. sans jamais cesser d’expérimenter, elle délaisse la rigueur géométrique et chromatique d’une peinture alliant abstraction occidentale et abstraction orientale pour adopter une démarche plus subjective, plus proche du corps et de l’âme. Démarche qui se décline au cours du temps en subtiles versions, dont celle des "Empreintes" de la main.
Les huiles récentes de Nadia Saïkali, peintes au Liban entre 2000 et 2005, combinent les deux approches en une heureuse synthèse, à la fois paysages de l’esprit et états d’âme, structures stables et éléments mobiles,assises horizontales et mouvements obliques, strates solides et couches liquides. Déplacements de plaques tectoniques, glissements de terrains, déferlements de vagues se laissent enserrer entre les limites définies par le statisme de bandes chromatiques inférieures et supérieures, comme si l’agitation,le bouleversement de la surface, le surgissement des évènements, la remontée des souvenirs enfouis, les convulsions historiques qui dérangent les lignes et troublent le calme primordial du monde devaient rester confinés dans la courte durée de la zone médiane inscrite au sein des longues durées de la terre et du ciel. Longues durées qui équivalent à une quasi immobilité.
Sur le plan vertical, les étages superposés de la peinture réinterprètent continuellement, de toile en toile, cette vision de l’histoire humaine sertie dans l’histoire cosmique par la vitesse des touches obliques tantôt lentes, tantôt rapides, tantôt étales, tantôt fébriles, et par le changement d’atmosphère induit par le changement des tonalités chromatiques dominantes chaudes ou froides, chaque toile exhibant sa gamme particulière.
Sur le plan horiontal, le tableau se présente comme une coupe dans une "bande passante" au déroulement infini, un "arrêt sur image", à tel moment, dans le film bdu temps.
Si, avec son "socle" terrestre et son "entablement" céleste, la dimension verticale délimite l’espace, la dimension horizontale illimite le temps avec son absence de bornes latérales qui suggère que ce qui se déroule sur la toile n’est qu’un spécimen, dans l’instant présent, de ce qui se déroule hors-toile dans les deux directions gauche et droite, passé et avenir, libre à l’imagination de le prolonger indéfiniment.
La peinture de Nadia Saïkali mène aussi un subtil jeu contrapuntique entre l’enigme de l’espace apparemment prévisible et maîtrisable et le mystère du temps imprévisible, immaîtrisable, capable d’apporter à tout moment le meilleur et le pire, soirs de bonheur et matins de catastrophes, de mettre, par guerres, tsunamis, séismes, ouragans, l’space dans tous ses états, sens dessus dessous.
Sous son allure sophistiquée d’abstraction policée, elle remue de primordiales émotions pour peu qu’on lui prête une nécessaire et suffisante attention.
Gérard Xuriguera, Nadia Saikali.
La non-figuration ne se réduit pas au signe catalyseur qui l’arme et la désigne à travers la spontanéité du geste, ni aux seuls codes réducteurs d’une syntaxe soumise aux lois de la géométrie. Et si, en outre elle côtoie parfois l’organique, ingère des matériaux divers, épouse les courbes technologiques, s’évade dans les méandres de l’écrit ou les mouvances de la tache, elle s’autorise des périples clandestins, des colorations secrètes, qui, certes, obéissent à des lois générales, à l’écart de l’immédiat représenté, mais répondent surtout à une éthique et une identité spécifiques, hors d’une filiation directement classifiable.
Cette brève mise au point éclaire d’un ton particulier l’itinéraire de Nadia Saïkali. En effet, sans adhérer radicalement à l’un des axes portants de l’abstrait, son oeuvre se tient dans cette aire intermédiaire où l’analogie se fond dans les réseaux métaphoriques d’une écriture icônique de pure sensibilité tissée de multiples gradations, d’énergies foisonnantes canalisées par un flux régulateur et régie par une infrastructure subtile, qui en définit l’armature.
Libanaise d’origine, N. Saïkali se passionne d’abord pour Cézanne et le cubisme avant de s’engager dès 1957 dans les voies non objectives. La découverte de la musique sérielle et concrète la conduit à partir de 1966, vers une nouvelle perception de l’espace reliée au facteur temps. Abandonnant la peinture à l’huile, elle réalise alors des collages, des reliefs et des mobiles lumino-cinétiques sobres et déliés, avant de renouer avec les techniques traditionnelles et façonner le style qui la caractérise aujourd’hui. Pour elle désormais, chaque toile est une gestation et une naissance qui requièrent dépouillement et silence.
Nourri de réminiscences scellées au Moyen-Orient, éxalté par la lumière méditerranéenne et tempéré par la mesure française, se dessine un art d’essence européenne, malgré d’inévitables connotations. Un art infiniment nuancé, composé de trames parcheminées et de respirations feutrées, de biffures et de frottis estompés, de césures et d’ouvertures retrécies, stabilisés par des verticales innervées dans la fluidité des textures ou comme plus récemment, conçu de plans étagés interdépendants, sur lesquels se greffent des méta-signes et des idéogrammes hachés de réserves, monde fluide et compact, tantôt sévère et ombrageux, tantôt vivement coloré, toujours harmonieux.
Si l’appel à l’errance du geste, à l’intuition, sont ici revendiqués, par opposition à la construction érigée en dogme, ils s’accompagnent cependant d’un contrôle vigilant de la pensée, exercise spirituel qui associe lyrisme et architectural, dans une synthèse limitant les jeux du hasard et gommant les nostalgies inoportunes.
Ainsi la mise en équation peinture-mémoire, autrement dit le rapport au vécu, suscite chez N. Saïkali l’émergence d’une réalité humaine qui surgit d’un abandon réfléchi où le tressage modulé des compénétrations chromatiques et graphiquess véhicule une sémantique issue des profondeurs de la conscience.
Mais au-delà des mots, ce qui reste de cette approche, c’est le plaisir évident de peindre, de suggérer des émotions et des sentiments par des signes imperceptibles, au fil desquels se profilent des racines, une histoire, une expérience parvenue à maturité, dont on saisira le sens plénier en sachant faire le silence en soi.
Collections Publiques et Privées :
1962 - Teheran : Collection privée de S.M.I. Farah Dhiba Pahlawi.
1967 - Londres. 1er Prix du concours Carreras : Royal Institute Galleries.
1968 - Beyrouth - 1er Prix du Musée Sursock.
1969 - Bahrein - First National City bank of N.Y.
1972 - Beyrouth - Ordre des architectes et Ingénieurs : Relief Lumino-Cinétique.
1972 - Beyrouth - Chase Manhatan Bank N.Y.
1975 - Cagnes s/mer France : Collection du Chateau-musée de Cagnes s/mer.
1981 - Ryadh - collection du Prince Walid Bin Talal.
1982 - Paris - Fond National d’Art contemporain.
1983 - Paris - collection de la Ville de Paris.
1983 - Paris - collection : Société des Amis du Parc et du Château de Bagatelle.
1984 - Paris - Fond National d’Art Contemporain.
1987 - Beit Mery - Liban : Fondation Nadia Tuéni.
1995- 2000-2003 - Beyrouth - Collection de l’A.L.B.A.
1996 - Beyrouth - Fondation de la Banque Audi.
2001 - Beyrouth - Merryl Lynch Bank.