Shafic Abboud
Claude Lemand. "Né au Liban en 1926, Shafic Abboud a été imprégné dès sa plus tendre enfance par les récits de sa grand-mère, la conteuse du village. Son regard a été influencé par les icônes et les rites byzantins de son église, qui exaltent la résurrection et la transfiguration du Christ et de l’Humanité avec lui. Plus tard, sa formation intellectuelle sera marquée par les idéaux et les luttes qui ont accompagné la Nahda arabe, cette Renaissance moderniste et anticléricale dont certains éminents promoteurs étaient des écrivains et penseurs libanais. Son œuvre est un manifeste pour la liberté, la couleur et la lumière, une passerelle permanente entre la France et le Liban, entre l’Europe et le Monde arabe.
Il arrive à Paris en 1947 et s’intègre parfaitement à sa vie artistique, comme les très nombreux artistes venus du Monde entier après la Seconde Guerre mondiale (d’Amérique du Nord et du Sud, d’Europe, d’Asie et d’Afrique du Nord) et qui constituent la seconde grande vague migratoire vers Paris. Shafic Abboud eut une nette préférence pour la peinture de Pierre Bonnard, Roger Bissière et Nicolas de Staël.
Libanais et parisien, il était très attaché à ses souvenirs d’enfance au Liban, aux paysages et à la lumière de son pays natal. Il savait profiter des joies simples de la vie : bien manger, boire, aimer, être touché par une certaine lumière sur un paysage, un tissu, un visage ou le corps d’une femme. Il a dit et écrit que peindre le comblait de bonheur, le mettait en transe et lui procurait une grande jouissance semblable à celle de l’amour.
Au fil des saisons et par légers glissements, sa peinture évoluera de la Figuration poétique libanaise à l’Abstraction lyrique parisienne, puis de l’Abstraction à une forme subtile et sublime de Transfiguration abboudienne, qui est à la fois ancienne et moderne, païenne et sacrée. Shafic Abboud n’est pas le peintre d’une seule image, répétée en stéréotype et en multiples variations. Il est en permanente recherche. Il expérimente, se réjouit de trouver, doute et se remet en question. Mais il reste fidèle aux diverses facettes d’une thématique constante, une vision intime du monde intérieur et du monde extérieur. Il travaille souvent par séries : les Saisons, les Fenêtres, les Ateliers, les Chambres, les Nuits, les Cafés engloutis, les temperas sur le Monde de l’enfance, les temperas des Poètes arabes anciens, les Robes de Simone célèbrent par l’éclat des couleurs chatoyantes le souvenir d’une amie et l’émerveillement du peintre au-delà de la mort. Il n’a jamais mis en avant ses engagements, mais son œuvre et ses entretiens avec la presse arabe témoignent de ses opinions et de sa grande sensibilité politique et sociale aux événements du monde : Algérie, France, Liban, Palestine, Chili, …
Qu’il me soit permis de rappeler l’importance de cet artiste. La qualité de sa peinture a été reconnue très tôt par la critique française, libanaise et arabe. En 1953 à Paris, il est le premier peintre arabe à réaliser des livres d’artiste, en eaux-fortes pour Le Bouna et en sérigraphies pour La Souris *, le premier et seul artiste du Monde arabe à participer en 1959 à la Première Biennale de Paris. Au Liban, dans les années 1950-70, il fut l’un des acteurs majeurs de la vie culturelle et artistique de Beyrouth, ville lumière de tout le Proche-Orient arabe, qui a connu de très riches heures de liberté, de créativité, de prospérité et un art de vivre qui ont fait sa réputation internationale. Jusqu’en 1975, il avait l’habitude de passer les trois mois d’hiver au Liban : il enseignait à l’Université Libanaise et organisait une exposition personnelle dans l’une des meilleures galeries de la ville. Il a exposé jusqu’en 1968 avec les plus grands noms de la scène parisienne et participé à la FIAC dès 1983. En 1994, son exposition à Beyrouth après 15 années de guerre fut un triomphe médiatique et commercial. A sa mort en avril 2004, après un adieu amical émouvant organisé au Parc de Montsouris, à proximité de son petit atelier, il reçut un accueil triomphal à Beyrouth et dans la Montagne du Liban, où il est enterré selon son souhait."
(Claude Lemand, Shafic Abboud, Catalogue de la rétrospective de l’IMA, Paris, 2011).
Collections Publiques et Privées :
Ses oeuvres (peintures et oeuvres sur papier, céramiques et projets de sculptures, tapis et tapisseries, lithographies et livres d’artiste) sont dans de nombreuses collections publiques :
France (MAM de la Ville de Paris, Musée de l’Institut du monde arabe, FNAC, FDAC, Mobilier national, Centre Georges Pompidou, ...),
Liban (Musée Nicolas Sursock, Ministère de la culture, ...),
Algérie (Musée des Beaux-arts d’Alger),
Qatar (Mathaf de Doha),
Jordanie (Musée National),
Grande Bretagne (British Museum, Tate Modern),
Emirats A. U. (Abu Dhabi),
... et dans plusieurs grandes collections privées (France, Liban, Allemagne, Canada, Grande-Bretagne, Suisse, Pays-Bas, Arabie Saoudite, Emirats, Qatar, Koweit, Bahrein, USA, ...).