BENANTEUR. Le Chant de la Terre. Peintures des années 1980.
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A l’occasion du festival du Film Francophone d’Angoulême, l’Algérie étant le pays à l’honneur au mois d’août 2021, le Fonds Claude et France Lemand et l’Institut du monde arabe se sont associés au Musée d’Angoulême pour témoigner de la fraternité et de la solidarité qui ont lié les artistes et les intellectuels algériens et français durant les années les plus difficiles de leur histoire commune, et qui se perpétue de nos jours.
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A travers l’exposition BENANTEUR, Le Chant de la Terre, le Musée d’Angoulême entend rendre hommage au grand peintre algérien et français Abdallah Benanteur (Algérie, 1931 - France, 2017) et déployer dans ses espaces un choix de peintures des années 1980. « Renouvelée d’année en année par la connaissance approfondie des musées, la peinture de Benanteur se découvre un nouveau paysage, où peut librement s’accomplir une certaine forme de béatitude, une manière de jardin paradisiaque restituant en les associant les mille et un matins du monde. Terre de l’enchantement, baignée de lumière au levant et au couchant, parcourue par la fraîcheur des rivières courant les campagnes, dissimulant les sources dans l’herbe drue des prairies et dans la mousse des rochers des forêts profondes. » (Raoul-Jean Moulin)
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Abdallah BENANTEUR (Algérie, 1931 - France, 2017)
Claude Lemand.
Né le 3 mars 1931 à Mostaganem, Abdallah Benanteur a baigné dans un milieu familial et culturel algérien sensible à l’écriture et au livre manuscrit enluminé, à la poésie mystique musulmane, à la musique et au chant andalous. Après ses études à l’Ecole des beaux-arts d’Oran et son service militaire, il s’établit à Paris en 1953, dont il fait sa capitale de vie et de création. Il s’est éteint le 31 décembre 2017 à Ivry-sur-Seine.
Imprégné par la culture arabe de son Algérie natale, par la grande peinture européenne des musées de France et d’Europe, par les arts graphiques et les manuscrits d’Europe, d’Orient et d’Extrême-Orient, nourri par l’imaginaire des poètes du monde entier, - dont il était devenu un fin connaisseur - il a su créer des oeuvres personnelles, des paysages poétiques baignés par la lumière réelle de sa Méditerranée natale et de sa Bretagne d’adoption et une lumière transcendantale qui transfigure les paysages de la mémoire en paradis peuplés de ses chers Elus.
La Nature et l’Histoire l’ont ainsi fait : solitaire, indépendant, inquiet, travailleur. Si sa production graphique est si abondante et volcanique, c’était son tempérament, il ne pouvait pas faire autrement. Le travail était aussi son moyen naturel de calmer son angoisse, de répondre au tragique de l’existence et, pour lui en particulier, de répondre au tragique de l’Histoire. Il était habité par un profond sentiment de culpabilité, d’une dette à acquitter : son frère serait mort à sa place pendant la guerre d’indépendance, sa mère serait décédée loin de lui, abandonnée à son sort, comme l’Algérie tombée dans la décadence et le désordre.
L’œuvre de Benanteur est le reflet d’une vision idéaliste et humaniste, issue de trois conceptions du monde qui l’ont successivement influencé et dont il a intégré profondément les catégories, car elles correspondaient à son idéal humain, esthétique et social : le mouvement soufi qu’il a connu enfant à Mostaganem (prières et poèmes mystiques psalmodiés en arabe, processions à l’occasion de certaines fêtes religieuses, livres enluminés et apprentissage de la calligraphie arabe), le mouvement communiste utopiste et pacifiste qui l’a marqué dans les années 1950 et 1960 en France, tous deux proches du bouddhisme de cet Extrême-Orient dont il connaissait si bien et admirait tant les poètes et les peintres (sagesse, poésie et peinture : paysage idéal et place modeste et harmonieuse de l’homme dans la nature). Il aurait aimé vivre et travailler dans un pays et à une époque où cet idéal humain, esthétique et social, existait encore : la fin du Moyen-Age européen ou l’apogée de la civilisation arabo-andalouse.
En l’absence physique de sa lumière méditerranéenne natale, Benanteur n’a pas senti le besoin, comme d’autres peintres, de rechercher une lumière physique semblable (celle du Midi, de l’Espagne ou de la Grèce) ; il a plutôt recherché une lumière différente, complémentaire, celle de la peinture : il prendra ses vacances dans les paysages tempérés de la Bretagne ; et lorsqu’il peignait, gravait ou créait des livres, il s’isolait toujours dans une lumière tamisée, dans son atelier ou dans le sous-sol de son pavillon de banlieue. La vraie lumière d’Abdallah Benanteur est dans son œuvre, différente selon ses périodes ; elle est d’ici et d’ailleurs, « ni orientale ni occidentale », elle baigne ceux dont le regard est en harmonie avec elle.
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Marc Hérissé.
La nostalgie des horizons perdus, si elle reste sous-jacente dans ces « Pays - Paysages » que nous offre le grand peintre algérien, n’est qu’une des composantes de son univers. Sa superbe peinture, de caractère universel, ne saurait se limiter à ce regard récurrent sur les seuls environs de Mostaganem. Ils ne sont que le point de départ d’une errance dans laquelle l’artiste nous entraîne avec lui. Le regard vacille sans cesse, émerveillé, ne sachant discerner l’abstrait du figuré, chaque toile, d’une seconde à l’autre, pouvant susciter une vision nouvelle : ainsi se révèle-t-elle multiple, polymorphe, créatrice de mystère, comme toutes les grandes œuvres qui, qu’elles soient dramatiques, symphoniques, poétiques ou littéraires, sont si riches que l’on peut soi-même les déchiffrer et les interpréter de façons diverses. Ici, les tondos, présentés parmi les grandes toiles carrées, ne sont pas divertissements d’esthète, mais focalisation, symbole du regard et de l’iris qu’il traverse. La palette est irisée, diaprée, aérienne, vibrante de transparences, au sein d’un geste sûr, magistral, poétique et viril. Les trouées de lumière, solaires ou orageuses, vous entraînent au-delà même des limites du tableau. Devant ces frémissements de lumière, le souvenir de Turner s’empare de vous. C’est pourtant un autre monde, mais c’est bien la même magie. (Marc Hérissé. Benanteur, Peintures. Monographie, volume 1. Claude Lemand Editeur, Paris)
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Raoul-Jean Moulin.
Renouvelée d’année en année par la connaissance approfondie des musées, désormais affranchie de l’expérience parallèle de la gravure, la peinture de Benanteur, renonçant peu à peu à la discipline du dépouillement, se donne résolument toute à elle-même et se découvre un nouveau paysage, non point étranger au précédent bien que différent de nature, comme un autre versant de sa quête, où peut librement s’accomplir une certaine forme de béatitude, une manière de jardin paradisiaque restituant en les associant les mille et un matins du monde. Ici d’un triptyque à l’autre, Arabia (1984), Les élus (1986), L’élu (1987), la figure n’est plus qu’un indice, le repère qui désigne la mesure de l’homme aux prises avec le monde et les éléments. Terre de l’enchantement, à l’exemple du diptyque de La fugue (1988), qui n’est plus altérée mais baignée de lumière au levant et au couchant, parcourue par la fraîcheur des rivières courant les campagnes, dissimulant les sources dans l’herbe drue des prairies et dans la mousse des rochers des forêts profondes.
Parmi les peintres du Maghreb contemporain, Abdallah Benanteur occupe une place singulière et exemplaire d’un point de vue international, par son refus radical et légitime de tout académisme, qu’il soit figuratif, abstrait ou postmoderniste, comme de tout arrangement folklorique trahissant la vraie tradition arabo-islamique, qui aboutit inévitablement, quel qu’en soit la manière ou le savoir-faire, à l’appauvrissement réducteur et normalisé de la création authentique. En revanche, il en appelle à la peinture, pour lui approprier une gestuelle dérivée du principe calligraphique et qu’il maintient toujours concise, dense, impérieusement rythmée, jamais tentée de se laisser enclore et soumettre par le signe. Elle s’élance dans le mouvement d’une écriture métaphorique et non symbolique, plongeant dans l’arrière-pays du peintre pour se charger de sens et se manifester au monde des hommes, à seule fin d’éveiller en chacun la célébration de l’imaginaire. (Raoul-Jean Moulin. Benanteur, Peintures. Monographie, volume 1. Claude Lemand Editeur)
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Rachid Boudjedra.
Ce graveur de génie ne vit pas seulement à l’étranger, en l’occurrence à Paris où il réside depuis l’âge de vingt ans, mais il vit en exil volontaire, non seulement d’une façon géographique mais métaphysique aussi. Cet homme est absent au monde et vit son travail de graveur comme une ascèse et un ascétisme. Enfoui en lui-même. Fasciné par son propre monde intérieur. Comme si son être était gravé définitivement dans une sorte d’intériorité laineuse, ouatée. Parce que cet homme est frileux. Métaphysiquement frileux. Grâce à la gravure, il peut se donner un répit : survivre à sa propre peur. Si l’exil a fait de cet immense graveur un homme enfoui profondément dans le sous-sol de l’être et de la métamorphose, le royaume qu’il régit et sur lequel il règne en maître et seigneur absolu. C’est peut-être pour cela que cet homme a le génie modeste. Benanteur ne vocifère pas. C’est le seul peintre algérien qui jouit d’une universalité internationale et réelle. Car c’est dans sa terrible solitude, son silence acharné, sa mystique abrupte et l’instinct de la transcendance qu’il a su puiser dans son génie, sa passion du jaillissement et son sens inné du trait et de l’incision. (Rachid Boudjedra. Benanteur, Oeuvres graphiques. Monographie, volume 2. Claude Lemand Editeur, Paris)
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Lydia Harambourg.
Le paysagisme flamboyant d’Abdallah Benanteur participe d’un double ancrage. Le grand peintre algérien, né en 1931 à Mostaganem, arrive à Paris en 1953. De tradition arabo-islamique, sa culture se frotte à une non-figuration teintée d’un lyrisme personnel qui traduit les beautés d’une nature perdue et retrouvée. La nostalgie des horizons lointains des déserts et de la Méditerranée se transpose dans les vastitudes maritimes de la Bretagne. Par touches maillées, alvéolées, il recrée les beautés changeantes du spectre solaire qui métamorphosent le paysage, mouvant comme son imaginaire. Polymorphe, sa peinture est traversée de scansions, d’éléments formels harmonieusement assemblés et peints avec une liberté contrôlée. Son métier accompli se ressent de sa fréquentation des maîtres, au Louvre et en Italie.
Aucun vide dans ses toiles vibrantes de couleurs diaphanes, opaques, ménageant des trouées de lumière, solaires ou crépusculaires. Une peinture universelle, une touche ample, aux accents symphoniques, célèbrent les grandes forces originelles, suggérées par des matières irisées, diaprées, aériennes, à l’unisson du ciel et des nuages, de l’océan, des étendues cosmiques nimbées de transparences. Ni haut, ni bas, à l’égale de la peinture chinoise, dans ses poèmes visuels aux arborescences lyriques en constante expansion. Peintes d’une gestuelle aux réminiscences calligraphiques nourries de glacis déliés, ses peintures sont métaphoriques, symboliques. Elles sont une ode à la vie. » (Lydia Harambourg, La Gazette Drouot, octobre 2013).
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Publications disponibles :
BENANTEUR, Peintures. Monographie préparée et publiée par Claude Lemand, 224 pages, sous couverture et coffret en couleur, 25 x 33 cm. Textes en Français et en Anglais. Paris, 2002. ISBN 2-910263-00-2.
BENANTEUR, Œuvres graphiques. Monographie préparée et publiée par Claude Lemand, 288 pages, sous couverture et coffret en couleur, 25 x 33 cm. Textes en Français et en Anglais. Paris, 2005. ISBN 2-910263-02-9.
Abdallah BENANTEUR, Le Chant de la Terre. Rétrospective-Hommage. Préface de Claude Lemand. Texte d’Emmanuel Daydé. Catalogue de 112 pages, 21 x 29,7 cm. Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun.