Mahjoub BEN BELLA. La Musique des signes. Peintures sur papier.
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A l’occasion du festival du Film Francophone d’Angoulême, l’Algérie étant le pays à l’honneur au mois d’août 2021, l’Institut du monde arabe et le Fonds Claude et France Lemand se sont associés à la Cité internationale de la BD et de l’Image pour témoigner de la fraternité et de la solidarité qui ont lié les artistes et les intellectuels algériens et français durant les années les plus difficiles de leur histoire commune, et qui se perpétue de nos jours.
A travers l’exposition Mahjoub Ben Bella, La Musique des signes, Jack Lang, Claude Lemand et Pierre Lungheretti ont souhaité être parmi les premières institutions de France à rendre hommage à ce grand artiste algérien et français, qui s’est éteint il y a juste un an, le 11 juin 2020, dans sa bonne ville de Tourcoing. Ils remercient du fond du cœur la famille de Mahjoub Ben Bella - Brigitte son épouse, Souhir et Nadjib ses enfants -, qui ont bien voulu nous prêter un large choix des deux séries de ses fabuleuses oeuvres sur papier Thaï et Maya.
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Mahjoub BEN BELLA (Algérie, 1946 - France, 2020).
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Claude Lemand
Né en 1946 à Maghnia, dans l’ouest algérien, Mahjoub Ben Bella effectue sa formation à l’Ecole des beaux-arts d’Oran, puis celles de Tourcoing et de Paris. Il s’établit en France, dans le Nord gris et chaleureux qui l’adopte et qu’il illuminera des couleurs et de la lumière de ses peintures et de sa Méditerranée natale.
Mahjoub Ben Bella fut un peintre virtuose aux multiples facettes. Parallèlement à ses grandes et petites peintures sur toile, sur papier, sur bois ou sur pavés du Nord, il réalise des céramiques, des objets, des gravures, des performances et des fresques monumentales dans des lieux publics. En 1986, il peint les célèbres pavés du Paris-Roubaix, L’envers du Nord, fresque routière de 12 kilomètres (35 000 mètres carrés), tapis de signes, rouleau d’écritures. Deux années plus tard, en juin 1988, il réalise le portrait de Nelson Mandela pour le concert‐évènement au stade de Wembley. En 2000, il investit une station de métro à Tourcoing où il crée une mosaïque géante, composée de 1800 carreaux de céramique, …
Expositions personnelles et collectives dans de nombreux musées, centres d’art et galeries de France, d’Europe, du Proche-Orient et une rétrospective au MAMA d’Alger. Mahjoub Ben Bella est représenté dans plusieurs musées et collections publiques : The British Museum de Londres, le musée de l’Institut du monde arabe à Paris, The Royal Gallery d’Amman en Jordanie, La Piscine de Roubaix, le MUBA de Tourcoing, le LaM de Villeneuve-d’Ascq, la Mairie de Lille, la Dalloul Foundation de Beyrouth, la KA Collection du Liban, etc. Grâce à la donation Claude et France Lemand, le musée de l’Institut du monde arabe est désormais riche de seize de ses lumineuses grandes peintures.
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Alain Jaubert
Avec sa couleur savane, ses poils sauvages, le papier thaï de Mahjoub Ben Bella porte l’émotion de son artisanat d’origine, il sent sa jungle, il bruisse de rumeurs asiatiques, il craque, il se gondole, montre ses veines, sa paille et son grain ; se souvient du mariage entre les bouillies de cartons et le grossier châssis qui l’a engendré. Il est si beau qu’il faut du courage pour oser l’encoller, le blanchir, le noircir, le mouiller de couleurs. « Il a déjà une âme. Il y a un homme derrière », dit le peintre.
Bien sûr, Ben Bella a été fasciné par les calligraphies orientales. Mais son abstraction n’est ni religieuse ni politique, ni théorique ni polémique. Il revendique la non-signifiance. Non pas l’abstraction au sens commun, l’américaine ou la française, mais une nouvelle forme, écriture, danse et musique mêlées. Le refus de la figure non pas en vertu d’une iconographie religieuse ou culturelle, mais parce qu’elle ne traduirait pas suffisamment le langage des nerfs, la musique de la main.
Gouache, aquarelle, taches, stries, balafres, calligraphies nerveuses à la plume de musicien. Opacité ou transparence, noir ou couleur, page d’écriture ou feu d’artifice, vitrail ou mantra, damier ou buisson broussailleux, lavis rêveur ou griffe touffue, parfois même du vide qui surprend. Comme il aligne ses lettres fausses et folles, le peintre construit ses pages. Colonnes, hiéroglyphes, poèmes, entrefilets, versets, tablettes, parchemins, enluminures, lettres ornées, entrelacs miniatures, autant de massifs d’écritures et de signes. Il n’a aucun texte en tête. Comme dans un rêve, le livre se déploie, tourne ses pages en nombre infini. Au réveil, il y a quand même un tableau ! (Alain Jaubert, Ben Bella. La Musique des Signes. Catalogue de l’exposition Mahjoub Ben Bella. Les belles feuilles, La Piscine, Roubaix, 2015)
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La Piscine, Les Belles feuilles.
Compagnon de route du musée de Roubaix, bien avant qu’il ne s’installe dans la piscine de la rue des Champs, Mahjoub Ben Bella présente cet automne son œuvre graphique. Si l’artiste est reconnu pour ses grands formats où se devine sa gestuelle obstinée et dansée, La Piscine fait aujourd’hui le choix de montrer le travail sur papier qui accompagne le peintre depuis ses débuts. Les signes sont toujours présents sur ces œuvres. Mais, alors que sur la toile ils pourraient être perçus comme un chant qui s’écoute et se regarde, ici ils se déchiffrent et ils se lisent, roman inachevé et toujours en chemin de la vie de l’artiste, de son histoire, sa mémoire, sa culture, sa passion.
Plus de cent oeuvres seront réunies pour cet événement qui évoquera les différentes facettes de l’oeuvre sur papier de Mahjoub Ben Bella. La qualité même des feuilles utilisées qui peuvent ajouter au côté précieux de ce travail, l’intimité des carnets de croquis où s’effeuille à nos yeux écarquillés toute la richesse d’une inspiration déliée, le répertoire des formes ou de l’informel qui nous place tantôt devant la virtuosité d’une gestuelle abstraite, tantôt devant le souvenir magicien d’une architecture sacrée autant qu’imaginaire, l’élégance discrète de l’aquarelle, l’épaisseur mate de la gouache et la stridence graphique de l’encre noire, les mises en page autocentrées ou les motifs en all over … Cette exposition permet d’entrer en communion avec la cohérence et la diversité d’une oeuvre qui s’impose aujourd’hui comme l’une des plus singulières et des plus riches d’une modernité autonome.
(Mahjoub Ben Bella, Les belles feuilles. La Piscine, Roubaix. 24.10. 2015 - 31.01. 2016)
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Jean-Louis Pinte
Ce que l’on distingue d’abord dans sa peinture, c’est bien sûr le signe. Sa répétition. Sa résonance comme s’il s’agissait d’un chant incantatoire. Mais le propos de Mahjoub Ben Bella n’est pas d’illustrer ou de suivre les traces illustratives d’une quelconque calligraphie arabe. Non ! Il en traduit simplement une musicalité qui trouve son rythme aussi bien dans le trait que dans la couleur. La partition s’égrène de part en part, lancinante et vibrante de tous les sons. Bousculant le silence de la monochromie, il couvre la toile jusqu’à l’excès, la frappe du sceau de ses croches, l’embellit de tonalités chantantes. Il la transporte dans une abstraction syncopée et linéaire. Dépassant parfois cette simple tonalité, il tente de nous perdre dans le bruissement même de la vie, dans des paysages frémissants, des stridences retenues. Connu pour ses fresques routières dans le nord de la France, Ben Bella a recouvert de ses signes 12 kilomètres de pavé. Dans ses toiles, il compose des champs sacrés dont les sillons nous entraînent au-delà du simple lyrisme. Il se laisse posséder par le vertige de l’écriture jusqu’à l’extase. Jusqu’à devenir le chantre d’un livre de prières à la gloire même de l’art. (Jean-Louis Pinte, Les champs sacrés de Ben Bella, Figaroscope)
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Mustapha Laribi
Longtemps réglées par la graphie arabe, les créations de Mahjoub Ben Bella n’en ont conservé peu à peu que le matériau pictural, donnant à voir une œuvre dense qui s’inscrit dans un double héritage : celui de la calligraphie arabe et de la peinture européenne. Qu’il joue sur la profusion des motifs ou sur les performances de sa gamme chromatique, l’artiste crée un constant et minutieux dialogue du signe et de la couleur.(Mustapha Laribi, Algérie à l’affiche)
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Marie-Odile Briot
En 1986, il peint les célèbres pavés du Paris-Roubaix, L’envers du Nord, fresque routière de 12 kilomètres (35 000 mètres carrés). Ce tapis de signes, ce rouleau d’écritures, n’est que l’une des métamorphoses d’un imaginaire calligraphique générateur de son espace pictural. (...) Ben Bella procède à un “dérèglement systématique” de la calligraphie arabe pour en faire l’espace d’une peinture capable d’investir de sa minutie la magie des tablettes et des talismans, et de l’ampleur de sa rythmique le format gigantesque des toiles. La calligraphie développe en contrepoint la répartition des taches colorées et l’économie répétitive de la ligne, comme une chorégraphie désynchronisée dont les écarts ouvrent des vertiges, comme une polyphonie dont les discordances hallucinent. Ce que cette transe doit à la musique, ses amis compositeurs le savent. Ce que cette “véhémence des signes” doit à l’histoire reste au secret de leur illisibilité : dans tels “talismans” cousus, les journaux contemporains de la guerre d’Algérie tiennent lieu de texte sacré. (Marie-Odile Briot, Dictionnaire d’art moderne et contemporain, Hazan, Paris)