SEGUÍ, LA PEINTURE EN MIROIRS.
Exposition au musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun.
Du 27 février au 22 mai 2016
Le musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun met à l’honneur l’artiste argentin Antonio Seguí (né en 1934 à Córdoba) à travers son oeuvre gravé, « sa peinture en miroirs », depuis ses premières estampes des années 50 jusqu’à ses dernières gravures au carborundum réalisées en 2015. Antonio Seguí s’est distingué dans le domaine de l’estampe, obtenant plusieurs prix dès 1957, pratique qui a contribué à sa notoriété et qu’il poursuit régulièrement depuis.
La sélection des oeuvres révèle à travers un parcours chronologique plus d’une centaine d’estampes montrant l’étendue de son oeuvre et la diversité des techniques étudiées : lithographie, monotype, eau-forte, xylographie, photolithographie, linogravure, sérigraphie, gravure au carborundum, au regard d’un ensemble de peintures.
L’exposition du musée d’Issoudun est la plus importante rétrospective de l’oeuvre gravé depuis l’exposition itinérante organisée en Argentine en 1984, les expositions présentées au Centre de la Gravure et de l’Image imprimée à la Louvière en 1989, à Porto Rico en 1993, ou l’exposition de la donation d’Antonio Seguí au Museo de Arte Moderno à Buenos Aires en 2001.
Des bonshommes coiffés d’un chapeau, dans toutes les positions, parfois mélangés avec des constructions. On pourrait facilement limiter le travail d’Antonio Seguí à ses personnages a priori complètement banals perdus dans leur quotidien. Mais derrière l’aspect répétitif de ces petits hommes se cache une attention impressionnante accordée aux détails. Silhouette anonyme en mouvements, il la met en scène seule ou dans un brouhaha urbain, dans des situations tragiques ou cocasses. Il réduit ainsi avec ironie l’Homme à son comportement social. Il fait vivre sur un fond d’agitation urbaine, un monde coloré et graphique qui semble surgir de l’univers de la bande dessinée.
Le musée d’Issoudun présente quelques lithographies de sa collection acquises auprès de l’Atelier Pons, avec lequel Seguí a travaillé dans les années 60. L’exposition bénéficie également de prêts de la Galerie Claude Bernard, de la Galerie Jeanne Bucher Jaeger à Paris, ainsi que de la Galerie Patrick Derom à Bruxelles.
Commissariat de l’exposition :
Daniel Abadie est historien de l’art. Il a été conservateur au Musée national d’art moderne et directeur du musée du Jeu de Paume, commissaire de nombreuses expositions. Il est l’auteur de livres et de catalogues d’exposition dont « Antonio Seguí », la monographie de référence publiée en 2010 aux éditions Hazan.
Patrice Moreau est conservateur au Musée de l’Hospice Saint-Roch.
Publication : Antonio Seguí, la peinture en miroirs.
Textes de Daniel Abadie
Format : 17 x 24 cm. 79 pages.
Edition du Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun, 2016.
EAN 978-291-178-03-56
EXTRAIT DU CATALOGUE. Texte de Daniel Abadie, 2015.
(…) On pourrait s’étonner que, au début de son oeuvre, Seguí ait, entre 1958 et 1960, réalisé un cycle de gravures uniment appelées Hommage à Constantin Guys. Le jeune peintre de vingt-quatre ans témoigne en effet d’une expérience peu commune pour un artiste de cet âge. Ses études, il les a faites naturellement d’abord à Córdoba, sa ville natale, avant de les poursuivre en Espagne à l’Academia San Fernando de Madrid puis à l’École des Beaux-Arts de Paris. Il a déjà, en voiture, traversé tout le continent Sud-américain, de l’Argentine au Mexique, étudiant les civilisations précolombiennes et exposant ses oeuvres au fil des villes traversées. Dans ces conditions, le nom de Constantin Guys, si lié au XIXème siècle parisien, pourrait surprendre si l’on ne se souvenait de la présentation qu’en fait Baudelaire dans Le Peintre de la vie moderne : « un homme possédant à chaque minute le génie de l’enfance, c’est-à-dire un génie pour lequel aucun aspect de la vie n’est émoussé. »
En effet, ce que Seguí voit dans les dessins de Guys, c’est ce qu’il admire aussi dans la peinture de Daumier : une capacité à saisir son époque, à en donner une lecture à la fois sarcastique et tendre par le biais d’une posture, d’un vêtement… Toutes choses qu’il ne va pas tarder à mettre en oeuvre dans les portraits de la société de son pays natal, développant tour à tour la saga de l’imaginaire (Doña Felicitas Naón et de ses incroyables coiffures) ou les sinistres figures des gens de pouvoir : prêtres, juges et militaires... de l’époque péroniste.
(…) La dimension politique, jusqu’aux années 1970 est une composante majeure du travail de Seguí.
(…) Comme si le vent s’apprêtait à tout balayer, le mouvement est constant dans chaque estampe : on y marche, on allonge le pas, on traverse les villes… Il arrive que certains n’aient plus qu’une tête ou un buste, fiché sur un plot de bois : figures d’échecs manipulés par des joueurs invisibles. On obéit à ce (à ceux ?) que l’on ne voit pas… Même seul sur un bateau perdu dans la mer, on rame avec force. Il n’est rien qui semble échapper à cette force d’attraction, jusqu’aux cravates des hommes qui se redressent comme pour arriver plus vite. Cette course au néant, c’est la doublure sombre du travail de Seguí : à bien y regarder toutes ses images sont à double sens.
Apparue en 2002 dans son travail, la gravure au carborundum, avec le trait plus épais que produisent les grains de carbure de silicium, a été pour Seguí l’occasion de reprendre la thématique de ses gravures précédentes et d’en produire une lecture différente, comme pour montrer, une fois encore, que dans son oeuvre si c’est - comme il l’indiquait dans ses peintures - au spectateur de faire (ou de croire qu’il fait) l’histoire, c’est en fait, toujours, le peintre qui tire les ficelles.