ANTONIO SEGUI, OEUVRES RECENTES. Peintures, Sculptures, Estampes.
Daniel Abadie.
Si l’arbre, comme l’enseigne la sagesse populaire, peut nous cacher la forêt, que nous cache donc l’homme qui traverse presque de bout en bout l’oeuvre d’Antonio Seguí ? Identique et toujours différent, il est à la fois le témoin et l’arpenteur de la peinture. Son arrivée pourtant semblait fortuite lorsque, après une période de peinture matiériste (1958-1962), juxtaposant toiles abstraites et évocations figuratives et où abondaient les références à Burri ou Dubuffet, Seguí donnait en 1962 délibérément aux figures la place primordiale dans son travail, rompant ainsi avec la prédominance de l’art abstrait et se plaçant dès lors aux premiers rangs de la nouvelle figuration et du pop’art.
(...) C’est qu’il s’agit pour le peintre de dire - et de redire toujours différemment - cette aliénation qui départit l’individu de tout ce qui lui est propre, pour le réduire à son seul comportement social, à une image modèle. Pour ce faire, Seguí use indifféremment du tragique ou du cocasse, de l’élégie et de la satire, tout comme il le fait des sombres bitumes ou des transparences d’arc-en-ciel de l’aquarelle, de la précision photographique des fusains sur toile ou du raccourci sténographique d’un dessin volontiers caricatural. Comme le peintre nous invite à suivre, au moyen d’une ligne tracée sur la toile, le regard des promeneurs nocturnes de ses parcs jusqu’à l’objet de leur concupiscence, il faut suivre Seguí dans le long périple de ses séries pour apprendre à voir, à l’intérieur du bocal de ses toiles, s’agiter sans espoir d’en sortir les figurants de notre monde. »
(Daniel Abadie, Antonio Seguí, 2003).