ASSADOUR, PEINTURES.
Claude Lemand.
Longtemps connu comme un virtuose et maître de la gravure contemporaine, Assadour a développé parallèlement une œuvre riche et vaste de peintures sur papier et d’huiles sur toile. Il a ainsi réussi à élaborer son propre univers, à partir de deux mouvements qui l’ont attiré et influencé : le constructivisme du Bauhaus et le surréalisme parisien.
Dans les gravures comme dans les peintures d’Assadour, les figures humaines et les figures géométriques de base ont toujours été intégrées à l’esquisse d’un paysage urbain, avec des constructions architecturales qui essaient de mettre de l’ordre dans le chaos du monde tel qu’il l’a vécu à Beyrouth, et tel qu’il le voit depuis toujours.
Joseph Tarrab.
La réflexion technique d’Assadour se métamorphose ainsi en méditation quasi-spirituelle. Le peignage des plages colorées rappelle les pratiques des miniaturistes et le sillonnement des jardins zen japonais, lieux de méditation par excellence. Tout cela traduisant le côté « enlumineur moyen-oriental » d’Assadour, comme il l’avoue lui-même. Qu’il le veuille ou non, il est piégé par son vocabulaire formel et chromatique qui signifie en dépit et au-delà de la finalité qu’il lui assigne. L’espoir existe donc, en dépit de tout, au sein de la plus obscure des nuits. C’est normal : l’art n’exorcise-t-il pas, ne conjure-t-il pas les démons assadouriens, ne sauve-t-il pas le plasticien en lui permettant de recréer la Création après l’avoir décréée, et la « décréation » n’est-elle pas l’un des exercices majeurs des hautes traditions spirituelles ? Mais ce n’est pas, en tout cas, pour Assadour, l’espoir d’une évasion de la peinture : comme le poète n’habite pas une terre mais une langue, le peintre n’habite pas le monde mais la peinture. C’est la seule mère-patrie dont personne ne peut l’expulser. La peinture est son Arménie-Harmonie inaliénable, son paradis retrouvé ? Mais il dit ne connaître que l’enfer. Disons son purgatoire.