CLAUDE MOLLARD. Les visages d’avant les dieux, les Origènes.
Par Christine Buci-Glucksmann (extraits).
Que la naissance du visage puisse s’inscrire et se lire dans l’élémentaire du cosmos minéral ou végétal et qu’on atteigne là les limites de l’humain, tel est le paradoxe des photographies de Claude-Charles Mollard, prises de très près, dans un face-à-face qui évoque les premiers portraits de l’humanité, Sumer ou l’Egypte. Car un visage ne se définit pas par sa seule expressivité naturelle. Il se déforme, se tord, se multiplie, travaillé par l’inexpressif, l’horreur ou le fantomal, dans des devenirs multiples. Il n’est au fond que cette sorte de "machine abstraite", faite de deux cavités-trous pour les yeux et de "traits de visagéité" agencés pour le nez ou la bouche. Il peut se défaire et se perdre jusqu’au non-visage. Si bien que, comme le disait Artaud en I947 : "le visage humain n’a pas trouvé sa face".
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Car toute cette population d’origènes témoigne d’un art à l’état sauvage, émergeant d’une "chaosmose" primordiale, dans une véritable pétrification ontologique, qui nous contraint à repenser les origines du vivant et la naissance de l’art. Un véritable voyage dans le temps, de l’immémorial astral à l’éphémère des visages-fleurs, qui brouille les frontières de l’organique et de l’inorganique, dans un vis-à-vis de regards et de "portraits de la nature" évoquant souvent les portraits de l’art.
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