Fatima El-Hajj, Les Jardins de l’âme

Du 16 septembre au 8 octobre 2011 - Galerie Claude Lemand

  • El-Hajj, A bientôt.

    A bientôt, 2011. Acrylique et huile sur toile, 150 x 170 cm. Donation Claude & France Lemand. Musée, Institut du monde arabe, Paris. © Fatima El-Hajj. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

Carole Dagher, Fatima El-Hajj ou le bon­heur serein de pein­dre.

À peine a-t-on fran­chi le seuil de la gale­rie Claude Lemand, rue Littré, que les cou­leurs des jar­dins de Fatima el-Hajj font éclore sur les lèvres un sou­rire de bien-être. Pour sa pre­mière expo­si­tion pari­sienne, la talen­tueuse artiste liba­naise a frappé fort en emprun­tant aux sai­sons de son pays leurs tona­li­tés vives, à son vil­lage de Rmeileh toute sa convi­via­lité, à la nature avec ses arbres et ses fleurs son sens de l’har­mo­nie, et en nap­pant le tout d’une fraî­cheur d’âme étonnante, dans un style de maître. L’ensem­ble donne l’impres­sion d’une faran­dole de gaieté, comme une affir­ma­tion per­son­nelle de la néces­sité d’être heu­reux.

Les Jardins de l’âme, thème de l’expo­si­tion, se décli­nent dans le jaune des champs de mar­gue­ri­tes (Une pro­me­nade), le rouge vif des sen­ti­ments amou­reux (À bien­tôt), dans le blanc des mai­sons de Tanger ou le marbre d’une sculp­ture au fond d’un jardin, en bleu de nuit orné d’une note de musi­que qui fait danser le tableau (Nocturne) ou dans les jeux de vert ins­pi­rés par la ville de Tétouan, au Maroc.

Souvent en grand format, à l’huile comme à l’acry­li­que, ses toiles retien­nent l’ébauche des formes humai­nes. La femme y est comme esquis­sée, absor­bée dans la lec­ture ou la rêve­rie. Femme nue, à peine sug­gé­rée, se fon­dant dans la nature. « Dans ma pein­ture, la femme est libé­rée du men­songe, dépouillée de tout arti­fice », expli­que Fatima el-Hajj. Authentique, sin­cère, comme sa pein­ture. L’œuvre de cette artiste, qui tra­vaille direc­te­ment sur ins­pi­ra­tion, est une quête de séré­nité. Son jardin est d’abord un jardin inté­rieur, reflet direct de son jardin amé­nagé devant son ate­lier à Rmeileh. « J’aime reflé­ter dans mes toiles l’har­mo­nie de la nature », dit-elle sim­ple­ment.

Dans le mariage de ses cou­leurs et l’ambiance de ses tableaux, il y a un peu de Vuillard et de Bonnard, deux pein­tres qu’elle admire. L’influence de l’école fran­çaise est indé­nia­ble, en dépit d’un diplôme de l’Académie des beaux-arts de Leningrad qu’elle a décro­ché en sus de ses diplô­mes à l’Institut des beaux-arts de l’Université liba­naise et de l’École natio­nale supé­rieure des arts déco­ra­tifs de Paris. L’impres­sion­nisme ainsi que le fau­visme et le poin­tillisme de Seurat ont cer­tai­ne­ment laissé leurs traces dans le cursus de Fatima el-Hajj, mais c’est sur­tout au pein­tre liba­nais et pari­sien Shafic Abboud qu’elle tient à rendre un hom­mage par­ti­cu­lier, à tra­vers l’expo­si­tion en cours. « Shafic Abboud a été mon pro­fes­seur à l’Université liba­naise. C’était un homme géné­reux, qui n’hési­tait pas à par­ta­ger sa tech­ni­que et ses connais­san­ces en tant qu’artiste. Un être humain excep­tion­nel », sou­li­gne-t-elle. Quelques toiles où se fon­dent les cou­leurs du parc de Montsouris rap­pel­lent l’ate­lier du pein­tre, comme un clin d’œil com­plice et reconnais­sant de celle qui fut son élève. Et l’artiste pour­suit sa créa­tion sur sa propre voie, à la fois ori­gi­nale et riche de ses apports exté­rieurs.

Dans sa cap­ta­tion sin­gu­lière de la lumière et des cou­leurs, Fatima el-Hajj intro­duit un souf­fle très liba­nais, celui du par­tage, de l’amitié, sym­bo­li­sés par l’heure du café, la sieste, la visite des voi­sins, le déjeu­ner cham­pê­tre. Et l’on se prend à rêver de ce bon­heur au quo­ti­dien que Fatima el-Hajj fait revi­vre sous son pin­ceau, comme pour conju­rer la fré­né­sie et l’inquié­tude du monde qui nous entoure. « Je suis une fille du vil­lage, où les amis et les voi­sins ont gardé des liens cha­leu­reux, pré­cise-t-elle. Notre vie au Liban, c’est ça, pas l’autre, celle qu’on veut nous impo­ser, faite de ten­sions et de conflits. » Elle refuse la guerre et ce qu’elle engen­dre, même sur le plan de l’art. Fatima el-Hajj est convain­cue que la voca­tion de l’artiste est d’appor­ter du bon­heur. Pari tenu.

(Carole Dagher, L’Orient Le Jour)

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