Khaled TAKRETI. Fleurs de Vie. Peintures récentes.

Du 7 septembre au 7 octobre 2021 - Galerie Claude Lemand

  • TAKRETI, Mon amie la rose.

    Mon amie la rose, 2020. Acrylique sur toile, 200 x 150 cm. Collection privée. © Khaled Takreti. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

  • TAKRETI, Mon jardin. L’Olivier.

    Mon jardin. L'Olivier, 2020. Acrylique sur toile, 130 x 97 cm. © Khaled Takreti. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

  • TAKRETI, Mon jardin. Silence, ça pousse !

    Mon jardin. Silence, ça pousse !, 2020. Acrylique sur toile, 130 x 97 cm. © Khaled Takreti. Courtesy Galerie Claude Lemand, Paris.

Khaled Takreti. Fleurs de Vie .
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"Je me rends compte que les fleurs appa­rais­sent dans mon tra­vail à chaque fois qu’un événement impor­tant se pro­duit dans ma vie. Cette fois, l’événement est mon­dial et plus qu’impor­tant, il est vital. C’est une urgence pour moi de colo­rer mes jours et de par­ti­ci­per à ma manière à donner de l’énergie posi­tive aux autres. Une prière colo­rée et silen­cieuse pour les vivants et pour les défunts." (Khaled Takreti, 28.03.2020)
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Colette Khalaf, L’Orient Le Jour, le 28 sep­tem­bre 2021.

Avec ses dou­leurs, Khaled Takreti crée des fleurs
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Ses toiles gar­nis­sent les cimai­ses de la gale­rie Claude Lemand (France) jusqu’au 7 octo­bre, mais c’est dans son ate­lier de Beyrouth, où il est de pas­sage, que nous avons ren­contré l’artiste pein­tre.

Il flotte un air d’intem­po­ra­lité dans cette maison/ate­lier que les objets et leur âme habi­tent. À chaque pas­sage, lors de ses visi­tes à sa maman malade, Khaled Takreti leur insuf­fle de nou­veau la vie. Et toutes ces toiles accro­chées au mur, telles des gar­dien­nes d’un temps passé, s’ani­ment. « J’ai pu créer mon uni­vers fami­lial grâce à la pein­ture alors que mes parents étaient tou­jours absents. C’est celle-ci qui m’a permis de sur­vi­vre. » Après un cursus en école d’archi­tec­ture, Khaled Takreti, qui des­si­nait en paral­lèle « parce qu’(il) aimai(t) crayon­ner », sen­tant que c’est la voie qu’il vou­lait pren­dre, achè­vera bien plus tard des études aca­dé­mi­ques de pein­ture. « Ma pre­mière série de fleurs remonte à la période qui a suivi le décès de ma grand-mère qui m’avait élevé comme une maman », confie-t-il.

Un être en marche
Après avoir sombré dans une sorte de mutisme et de pro­fonde tris­tesse, Takreti se réfu­gie dans la pein­ture. Sa grand-mère, dont il n’arri­vait tou­jours pas à faire le deuil, et qui était la seule source d’amour dans sa vie, sera (omni)pré­sente dans une gale­rie de por­traits qu’il accom­plit. Ce n’est donc pas le profil fémi­nin qu’il recher­chera à tra­vers son œuvre pic­tu­rale, mais bien la figure mater­nelle qui lui a été arra­chée. « C’est elle qui a fina­le­ment créé l’artiste en moi », dit-il. Outre les dif­fé­rents por­traits de femmes (tou­jours en grand format), sa toile sera témoin, à plu­sieurs époques de sa vie, d’une flo­rai­son abon­dante. « En 1996, je réa­lise une grande expo­si­tion flo­rale suivie en l’an 2000 par un autre corps de tra­vail exposé au Centre cultu­rel fran­çais de Damas. Des fleurs certes, d’appa­rence, mais qui repré­sen­taient plutôt la famille comme l’ont si bien noté cer­tains cri­ti­ques d’art. » Plus tard, l’artiste prend cons­cience que chaque événement dou­lou­reux de sa vie se tra­duit par des fleurs, d’où ces toiles actuel­le­ment expo­sées à la gale­rie Claude Lemand, fruit du tra­vail réa­lisé durant le confi­ne­ment.

Une flo­rai­son à chaque fois dif­fé­rente
« Ces fleurs m’ont accom­pa­gné durant la soli­tude de mon confi­ne­ment à Bruxelles. Une période dure que j’ai res­sen­tie avec vio­lence et tris­tesse. Et comme j’aime pein­dre ce que je vois devant moi, j’ai peint mon jardin pour mon propre plai­sir, sans ima­gi­ner que le résul­tat allait plaire. J’avais besoin, pour­suit-il, de déver­ser ma dou­leur quel­que part. Je l’ai mise dans mon envi­ron­ne­ment. » À sa manière, avec les armes qu’il connaît bien, le pin­ceau, les tein­tes et la toile, Khaled Takreti résis­tait à l’enva­his­seur, à savoir le Covid. Sauf que ces fleurs-là ne sont pas exu­bé­ran­tes ou flam­boyan­tes comme celles qu’il a pein­tes aupa­ra­vant. Ses fleurs 2.0 sont fines, dis­crè­tes, par moments fra­gi­les. Que ce soit dans L’oli­vier ou dans Mon amie la rose, les détails ne sont pas lais­sés au hasard, mais bien obser­vés et repro­duits dans les plus infi­mes détails.

L’artiste en per­pé­tuel renou­vel­le­ment n’aime pas à se répé­ter même s’il traite du même sujet. Il ose. Oser décons­truire ce qu’il peint, oser aller au-delà de l’œil pour tou­cher la sublime âme des êtres et de la nature, telle est sa gageure. « La pein­ture c’est moi, si je n’y mets ma sin­cé­rité alors à quoi sert-il de pein­dre ? » lance-t-il.
Takreti n’est pas sim­ple­ment un pein­tre qui repro­duit ce qu’il observe, mais un créa­teur d’émotions, de formes et d’autres images. S’il lui arrive de chan­ger les cou­leurs, c’est parce qu’il les voit non avec l’œil, mais avec le cœur. « L’humain est plus impor­tant que le cer­veau. L’artiste ne doit pas trop réflé­chir, mais se lais­ser aller à son ins­tinct, dit-il en citant l’artiste syrien Fateh el-Moudarress. Si j’ai l’expé­rience et le savoir-faire, alors je n’ai qu’à faire confiance à mon ins­tinct et à me lais­ser guider. » Tantôt mélan­co­li­que et tantôt en déri­sion totale par rap­port au monde qui l’entoure, Takreti, un être libre de toute contrainte, roule comme sur cette toile où il s’est repré­senté un jour sur son vélo. Il fonce droit devant. En dépit des départs et des arra­che­ments mul­ti­ples qui ont jalonné sa vie et qui ont forgé sa per­son­na­lité d’artiste (l’aban­don de son père, la mort de sa grand-mère ou la mala­die de sa mère, mais aussi l’exil du Liban à l’âge de onze ans puis de la Syrie…), Khaled Takreti ne regarde plus en arrière. « Toute ma vie, je cher­chais ma place. Tant dans ma famille que dans un pays auquel j’aurai voulu appar­te­nir. Aujourd’hui, mes toiles sont comme mes enfants, ma famille. J’y ai trouvé refuge et elles me réconfor­tent. »

Khaled Takreti n’a plus besoin de reconnais­sance. Outre ses fleurs de confi­ne­ment qui occu­pent la gale­rie Claude Lemand jusqu’au 7 octo­bre, l’artiste fait partie de la grande expo­si­tion Lumière du Liban à l’Institut du monde arabe. L’être en exil, grâce à ses œuvres éclectiques, a enfin trouvé sa place.

Copyright © Galerie Claude Lemand 2012.

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