MAHJOUB BEN BELLA - DESSINS : THAI + MAYA.
Alain Jaubert.
« Avec sa couleur savane, ses poils sauvages, le papier thaï de Mahjoub Ben Bella porte l’émotion de son artisanat d’origine, il sent sa jungle, il bruisse de rumeurs asiatiques, il craque, il se gondole, montre ses veines, sa paille et son grain ; se souvient du mariage entre les bouillies de cartons et le grossier châssis qui l’a engendré. Il est si beau qu’il faut du courage pour oser l’encoller, le blanchir, le noircir, le mouiller de couleurs. « Il a déjà une âme. Il y a un homme derrière. », dit le peintre.
Bien sûr, Ben Bella a été fasciné par les calligraphies orientales. Mais son abstraction n’est ni religieuse ni politique, ni théorique ni polémique. Il revendique la non-signifiance. Non pas l’abstraction au sens commun, l’américaine ou la française, mais une nouvelle forme, écriture, danse et musique mêlées. Le refus de la figure non pas en vertu d’une iconographie religieuse ou culturelle, mais parce qu’elle ne traduirait pas suffisamment le langage des nerfs, la musique de la main.
Gouache, aquarelle, taches, stries, balafres, calligraphies nerveuses à la plume de musicien. Opacité ou transparence, noir ou couleur, page d’écriture ou feu d’artifice, vitrail ou mantra, damier ou buisson broussailleux, lavis rêveur ou griffe touffue, parfois même du vide qui surprend. Comme il aligne ses lettres fausses et folles, le peintre construit ses pages. Colonnes, hiéroglyphes, poèmes, entrefilets, versets, tablettes, parchemins, enluminures, lettres ornées, entrelacs miniatures, autant de massifs d’écritures et de signes. Il n’a aucun texte en tête. Comme dans un rêve, le livre se déploie, tourne ses pages en nombre infini. Au réveil, il y a quand même un tableau ! »
(Alain Jaubert, Ben Bella. La Musique des Signes. Catalogue de l’exposition Mahjoub Ben Bella. Les belles feuilles, La Piscine, Roubaix, 2015)
Jean-Louis Pinte.
« Ce que l’on distingue d’abord dans sa peinture, c’est bien sûr le signe. Sa répétition. Sa résonance comme s’il s’agissait d’un chant incantatoire. Mais le propos de Mahjoub Ben Bella n’est pas d’illustrer ou de suivre les traces illustratives d’une quelconque calligraphie arabe. Il en traduit simplement une musicalité qui trouve son rythme aussi bien dans le trait que dans la couleur. La partition s’égrène de part en part, lancinante et vibrante de tous les sons. Bousculant le silence de la monochromie, il couvre la toile jusqu’à l’excès, la frappe du sceau de ses croches, l’embellit de tonalités chantantes. Il la transporte dans une abstraction syncopée et linéaire. Dans ses toiles, il compose des champs sacrés dont les sillons nous entraînent au-delà du simple lyrisme. Il se laisse posséder par le vertige de l’écriture jusqu’à l’extase. Jusqu’à devenir le chantre d’un livre de prières à la gloire même de l’art. »
(Jean-Louis Pinte, Les champs sacrés de Ben Bella, Figaroscope)