NASSOUH ZAGHLOULEH,
Damas. Photographies.
Ensemble de 14 photographies originales.
Donation Claude & France Lemand 2018.
Musée, Institut du monde arabe, Paris
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Colette Khalaf :
« Capter des moments empreints de nostalgie et faire ressurgir le passé avec émotion, c’est ce que propose Nassouh Zaghlouleh dans une série de clichés en noir et blanc intitulée DAMAS. Un vol de pigeons, l’embrasure d’un portail, les marches écornées d’un escalier vétuste ou encore des poutres en bois qui laissent filtrer le soleil, … autant de petits détails arrachés au quotidien et assemblés sous le regard du photographe en un album de vie.
Né à Damas en 1958, il poursuit des études à l’Ecole des beaux-arts de Damas, puis s’établit durant vingt-trois ans à Paris où il parachève son cursus. Il retournera dans son pays natal pour enseigner la photographie ainsi que d’autres arts visuels. Dans un pays où, comme il le dit, l’appareil photo est une arme plus effrayante que le fusil, heureux pour lui qu’il ait eu le temps de capter cette série de clichés qu’il expose actuellement, témoignant du Damas qu’il affectionne. Parmi ses multiples expositions, l’artiste considère que celle-ci est la plus authentique et la plus sincère. « Elle parle de mon enfance, de ses odeurs et de ses souvenirs. »
Argentique, numérique ? « Peu importe, répond-il. Même si la photo est prise avec un portable, il suffit qu’elle soit réfléchie et sentie. Regarder les points lumineux sur le pavé, alors qu’enfant je sautais à cloche-pied, observer les oiseaux s’envoler et m’arrêter au pied d’un escalier en marchant avec mes vieilles tantes, ce sont des instants bénis qui me reviennent à la mémoire. »
C’est en flânant tous les vendredis dès l’aube et jusqu’à la prière du matin, à l’heure où les rues sont désertes, que l’artiste parvient à s’isoler avec sa ville Damas, avec laquelle il entretient une relation intime teintée d’une sensibilité à fleur de peau. « Photographier est un processus que j’élabore de A à Z. Je ne me suffis pas de prendre la photo, mais j’effectue moi-même le tirage sur papier pur coton, parce que je sais exactement quelles impressions je veux rendre. Parfois, je garde un écart de temps entre la photo prise et le tirage pour que l’idée soit bien "macérée". Il ne faut pas être trop passionné pour son travail, afin de garder une certaine "impartialité" au moment de la touche finale. Aimer passionnément son travail, certes, mais tout en trouvant le moyen adéquat de le présenter au regard des autres. »
Dans ce travail monochrome et intimiste, où seul le contraste entre la lumière et son absence découpe l’espace et le cadre, on croirait entendre le silence. « Auparavant, mes clichés ressemblaient à des cartes postales, mais aujourd’hui, je m’implique plus dans leur réalisation finale et, si j’ai choisi le noir et le blanc, c’est parce que j’y trouve plus de tendresse ». Un long processus de création qui va au-delà de la simple représentation, distillant ainsi des instants flottants, presque intemporels. »
(Colette Khalaf, Nassouh Zaghlouleh, Silence à Damas, L’Orient Le Jour, 09.06.2014)