SHAFIC ABBOUD. SMALL IS BEAUTIFUL. Peintures, 1960-2000.
Lydia Harambourg.
La confidence lumineuse. Peinture de l’effusion, celle de Shafic Abboud montre un ensemble de petits formats répartis sur quarante années. Des peintures des années 60 aux plus récentes, on observe sa progressive conquête lumineuse par l’animation de la matière colorée. Sa palette se souvient des richesses orientales et s’éclaircit jusqu’à l’émergence d’accords de jaune, orange et rouge, de bleu et de violet filtrant la lumière. Abboud transpose la réalité. Il s’y plonge pour s’en imprégner, en ramener sur la toile une histoire qui se fragmente. Ici une étoffe, ailleurs un arbre, un carrelage pour lesquels il trouve une équivalence linéaire et colorée. C’est comme si le peintre filtrait la couleur, mais aussi les parfums, les sons. Que ce soit dans son atelier près du parc Montsouris où il travaille depuis 1951 ou celui des bords de Loire, il sollicite sa mémoire jusqu’à rencontrer son sujet. Sa narration picturale passe autant par l’émotion visuelle que par le travail pictural, ample et ardent, concentré. Davantage écrits au début, ses sujets sont progressivement « mangés » par la lumière circulant dans ces espaces labyrinthiques. Travaillant par séries, ses Chambres, ses Nuits, la mer, les jardins, le corps féminin se meuvent sur la toile en gemmes chatoyantes, en séquences harmoniques sonores ou confidentielles. Tantôt soumis à la saturation lumineuse tantôt absorbés par les ténèbres, ses pigments mêlés à l’œuf s’entremêlent sous l’action d’un pinceau qui laisse monter les ivresses colorées, délivre l’essence des choses, leur poésie. Au carrefour de deux civilisations, Abboud a adapté l’écoulement du temps, pour atteindre l’unité fondamentale de son langage, celle donnée par la lumière, par l’espace et par la plénitude chromatique.