Huguette & Nadine. Histoire d’une amitié.
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Claude Lemand :
Chère Brigitte, Je suis très touché par ton initiative et le titre de cette magnifique exposition que tu organises pour célébrer l’amité entre Huguette et Nadine. Je souhaite m’y associer sous la forme d’un hommage fraternel, et je serai de tout coeur avec vous toutes et vous tous.
J’espère que nous pourrons organiser à Paris, à l’Institut du monde arabe, la grande rétrospective que mérite, - au plus tard en 2031, l’année du centenaire de la naissance de votre maman, - la grande artiste HUGUETTE CALAND.
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Brigitte Caland :
« Huguette avait la joie de vivre et tout était possible… Sa liberté et sa façon de penser prenait le dessus et elle t’entraînait avec elle », c’est ce qu’évoque avec beaucoup de tendresse Nadine Begdache en parlant de son amie, l’artiste Huguette Caland.
C’est en 1993 que Nadine, qui vient d’ouvrir la galerie Janine Rubeiz, propose à Huguette une exposition à Beyrouth. Séduite par l’idée, cette dernière accepte immédiatement. En 1994, quelques mois avant le vernissage, Huguette s’installe à Adma dans une maison mise à sa disposition par son fils Pierre. La vue sur la baie de Jounieh ravive des souvenirs : la maison de ses parents à Kaslik qui devient celle de la famille pendant une dizaine d’années, son premier atelier dans le jardin de la propriété, les déjeuners du dimanche avec les nouveaux amis de l’AUB, sa première exposition avec Helen Khal... Là, sur les hauteurs, elle travaille sans relâche et crée la première série de Faces and Places.
Si le Liban des années 90 est marqué par la reconstruction de Beyrouth, par l’énergie et l’enthousiasme de tout un pays au sortir de la guerre, pour Huguette Caland ces années californiennes sont plus difficiles. Ce sera donc grâce à Nadine qui reconnaît la valeur du travail, à sa programmation régulière qui fidélise le public libanais puis plus tard celui du Golf, qu’Huguette peut enfin vivre de son métier d’artiste.
La première exposition Faces and Places en 1994 déconcerte le public libanais qui sera toutefois séduit par celle de 1997. C’est le début d’une collaboration qui durera vingt-cinq ans au cours desquels Nadine et Huguette sont en rapport permanent, dans une sorte de consultation ininterrompue. Presque tous les soirs avant de se coucher, Nadine appelle Huguette qui commence sa journée à Los Angeles ; elles bavardent, Nadine lui raconte ce que les clients désirent, les tailles et les couleurs des œuvres qu’ils souhaitent. Huguette, excitée par cette aventure, est toujours partante. « Elle était très sérieuse, et bien qu’elle se soit toujours sentie libre de faire ce qu’elle voulait, elle était consciencieuse et motivée » ajoute Nadine. Tout est facile entre elles, elles parlent de tout, rigolent souvent et lorsqu’elles se retrouvent c’est comme si elles s’étaient quittées la veille. Nadine se rend chez Huguette en Californie à trois reprises dans les années 1990 et les deux se voient aussi régulièrement à Paris lorsqu’elles y sont de passage. Là, attablées à une terrasse place de l’Alma, face à la tour Eiffel, elles boivent un verre, rient d’un rien et partagent de délicieux repas.
Lors des vernissages au Liban, Huguette retrouve les amis, la famille et les collectionneurs de tous âges qui commencent à suivre son travail et Nadine évoque non seulement l’impact qu’ont certaines expositions comme L’argent (ne fait pas le bonheur mais y contribue largement), Mes jeunes années, la rétrospective au Beirut Exhibition Center mais également l’exemple qu’Huguette devient pour les artistes émergents.
A partir de 2013, lorsque Huguette revient au Liban et s’installe à Kfarhbeib, Nadine, malgré l’état des routes et la circulation infernale entre Beyrouth et Jounieh lui rend visite une fois par semaine ; souvent ce jour-là elles déjeunent ensemble et Huguette déjà malade fait encore des plans. A partir du mois de mars 2018 Huguette déménage à Beyrouth pour y passer les derniers mois de sa vie et Nadine, sa voisine du 7ème étage, passe la voir régulièrement lui apportant une kebbeh arnabiyyeh ou un autre de ses plats préférés.
Avec une pointe de nostalgie, Nadine confie : « C’est vrai que ce furent mes plus belles années : le travail était une joie, un plaisir, les échanges très cordiaux, ouverts, authentiques. J’aurais souhaité que cela dure encore, cela me semble avoir été trop court ». De cette complicité il reste des souvenirs heureux, des photos de vernissages et d’anniversaires mais pas de trace de conversations téléphoniques ou de la relation épistolaire entretenue par fax. Alors, à l’occasion des trente ans de la galerie Janine Rubeiz, cette exposition propose, à travers des moments phares, de retracer la collaboration et l’amitié qui s’établit au fil du temps entre Huguette Caland et Nadine Begdache.
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About the artist
Born in Beirut in 1931, Huguette Caland (née El Khoury) took her first painting lessons at 16 with Manetti, an Italian artist living in Lebanon. Following the passing of her father, Beshara El Khoury, one of the founders of the Lebanese independence and its first president, Caland decided to pursue her dream to become an artist.
After spending four years at the American University of Beirut where she studied Fine Arts, Caland moved to Paris in 1970. Liberated from social obligations she was able to blossom and meet many contemporary artists. In 1987, she moved to California where she established the studio of her dreams.
Caland’s art is regularly featured in solo exhibitions or in group shows all over the world and was acquired by Centre Pompidou, La Bibliothèque Nationale, MoMA, The Metropolitan Museum-New York, The Tate, The British Museum, LACMA, Armand Hammer, Museum of Fine Art Houston, San Diego Museum of Art, Palm Spring Museum of Art, Sharjah Art Foundation, as well as private collections in the United States of America, the Middle East, and Europe…
From May to October 2024, Huguette Caland’s paintings of the 70s will be featured in a solo show at ICA Miami and from November 2024 to January 2025, an important retrospective covering the five decades of her career will be held at Reina Sofia Museum in Madrid.
Caland passed away on September 23rd, 2019, at the age of 88.